Cameroun : récurrence du racket des forces de police

Article : Cameroun : récurrence du racket des forces de police
Crédit: Wikimedia Commons
5 juillet 2022

Cameroun : récurrence du racket des forces de police

Suivez-moi au Cameroun où, suite à un incident survenu le 12 août 2021 entre un policier camerounais et un usager de la route, chauffeur conducteur de taxi en l’occurrence dans les rues de la capitale politique Yaoundé, on assiste désormais quotidiennement à des rixes entre les forces de police et les populations. Après ces incidents à répétition, j’estime qu’il est temps qu’un regard sérieux des autorités soit observé vers ce phénomène qui prend de l’ampleur.

          Le constat est désormais flagrant et est en même temps accepté par tous et toutes. La police camerounaise est en pleine décadence morale et éthique. C’est un fait ! Nous vivons au quotidien avec cette réalité factuelle. Mais, revenons d’abord un peu en arrière dans les années 80. A cette époque où le policier s’engageait sur l’honneur à se mettre au service des populations et des usagers. Les jeunes qui se faisaient recruter dans la police, galvanisés par ces slogans patriotiques de l’époque, étaient formés pour servir et non se servir. Ah ! La belle époque  où l’on pouvait se balader tranquillement dans les ruelles de notre belle capitale Yaoundé sans la moindre peur et cela à des heures indues ; cette époque où tout citoyen n’avait qu’à se conformer à la loi pour être à l’abri du racket et des tracasseries policières de toute nature. Les temps ont bien changés depuis!

Crédit : Kindel Media / Pexels

On assiste maintenant à l’émergence d’une nouvelle génération de policiers qui règne en maître dans la cité, qui fait la loi et se sert au lieu de se mettre au service des populations. La formation que ces derniers ont reçu à l’école de police est exploitée pour cumuler les motifs au cours des contrôles de police, qui se font même parfois sans autorisation de leur hiérarchie. Lorsque vous êtes interpellés par un policier, le contrôle d’identité et de conformité des pièces de votre véhicule ne sont qu’un acte hypocrite visant à tromper les apparences. La réalité étant toute  autre chose. Tout usager de la route sait et a intégré l’idée suivant laquelle la conformité des pièces ne le met pas à l’abri du racket. Un seul geste compte et permet à l’usager de sortir des griffes d’un agent de police :  celui de glisser un billet de 1000 francs CFA dans le dossier du véhicule en le remettant à l’agent de service, ce qui leur vaut d’ailleurs le surnom de « mange-mil », nom d’un oiseau des zones sahéliennes se nourrissant de mil, céréale africaine.

Le racket des agents de la police est devenu un fléau qui ronge ce corps et maintient les usagers dans une misère criarde face à cette voracité policière sans limite. Tenez ! En date du 12 août 2021, un jeune taximan interpellé pour un contrôle dans les rues de la capitale Yaoundé refuse de se plier aux règles du racket et décide alors de ne pas s’arrêter. Face à ce refus catégorique, il sera acteur d’une scène ahurissante. Le policier en question, sifflet aux lèvres, après maintes vaines tentatives de le stopper, va se jeter tout bonnement sur le capot du véhicule pour l’arrêter de force. Le chauffeur de taxi dans son élan va lui passer dessus et le trainer sur la chaussée. Stupeur générale ! Cris et attroupements des passants pour essayer d’assister à cette scène des plus loufoques. Autre fait : le 20 juillet 2021, une député de la nation du nom de Nourane Foster apparaît dans une vidéo virale sur les réseaux sociaux où elle est en vive altercation avec les agents de police sur la voie publique. Il est même devenu fréquent de tomber sur un attroupement avec au centre, un agent des forces de l’ordre en train de se battre avec un usager à mains nues. Autrefois, frapper sur un agent des forces de police était comparé à un crime de lèse majesté ! Le policier, de par la tenue qu’il arborait, était comparé à un totem et ne pouvait subir aucune méprise venant de la part d’un civil, la tenue était sacrée et on disait que la crainte du policier était le début de la sagesse.

        Ce phénomène du racket a désormais entraîné un désamour chronique des populations vis-à-vis de ces forces de l’ordre pourtant chargées de les protéger. Plus aucun jour ne passe sans que l’on n’entende qu’un policier se soit fait « tabasser » ou renverser par un automobiliste mécontent. Des bagarres et des luttes à n’en plus finir dans nos rues.

       Essayons par un retour quelques années en arrière, de trouver des éléments pouvant justifier ou tout au moins, expliquer cette montée fulgurante du phénomène racket dans nos villes et capitales. Au courant des années 90, le Cameroun a connu ce qu’on a appelé de façon péremptoire « année de braise » avec l’arrivée des multipartismes et du pluralisme politique. Cette vague de changements qui ont fortement influencés la majorité des pays africains et le Cameroun en particulier, sera couronné le 11 janvier 1994 par la dévaluation du franc CFA qui à son tour entraînera une coupure drastique des salaires des fonctionnaires camerounais de 50 %. Cette baisse des salaires qui ne sera compensée ni par la chute des prix des denrées de première nécessité pour le panier de la ménagère, ni sur tous les autres aspects financiers de la vie publique. Le souci de maintenir vaille que vaille le même train de vie fait son bonhomme de chemin au sein du corps de la police camerounaise, amenant les uns et les autres à développer des stratégies nauséeuses afin de joindre les deux bouts.

         Il y a aussi d’autre part, la complicité des usagers qu’il faut déplorer ici, parce que soucieux de chevaucher la loi et de fonctionner dans la clandestinité, ces derniers encouragent leur propre racket en faisant le choix de donner le fameux billet de 1000 francs au lieu de se mettre tout simplement en règle, bien que découragés par le fait qu’étant ou pas en règle, ils passeraient quand même passez moi le terme: « à la casserole ».

         Quelques pistes de solutions ont été cependant amorcées par les autorités  en charge de lutter contre ces phénomènes, on citera la mise sur pieds de la commission nationale anti-corruption (CONAC) et autres ONG. Les mentalités restent cependant dures à changer. Tous les efforts dans ce sens sont confrontés à un mur de résistance à nul autre pareil. Rien n’y fait ! Cependant, nous espérons qu’avec la bonne volonté et la ténacité des organismes en charge du combat contre le racket policier, nous assisterons dans les années futures à l’émergence, d’une nouvelle génération de policiers, aguerris, soucieux du bien-être des usagers, engagés plus que jamais à servir et non se servir.

Par Ngpartner

Partagez

Commentaires