Piraterie des œuvres de l’esprit : un fléau qui tue la créativité

Article : Piraterie des œuvres de l’esprit : un fléau qui tue la créativité
Crédit: BEA
30 juillet 2022

Piraterie des œuvres de l’esprit : un fléau qui tue la créativité

      L’Afrique jouit du don divin de la créativité  d’œuvres de l’esprit : musique, cinéma, théâtre, danse, sculpture etc.. qui sont autant d’atouts qui suscitent l’envie et le respect. Pourtant, durant cette époque, on n’aura jamais autant floué au sol les droits d’artistes, particulièrement au Cameroun où je vous invite à me suivre sur le chemin de la piraterie qui fait des ravages dans le milieu artistique.

Guitares
Deux guitares. Crédit : Pixabay / Pexels

Le Cameroun a ceci de particulier qu’il regorge de tout (Afrique en miniature). L’art y occupe une place de choix. A première vue c’est le pays de la bonne humeur où il fait bon vivre avec sa panoplie d’artistes musiciens, plasticiens, comédiens, cinéastes, artisans etc… Les points chauds, bars restaurants, snacks, discothèques y distillent de jour comme de nuit la bonne humeur et l’ambiance. Le public en profite sans sourciller ni ne s’interroge sur l’origine ou les droits sur ces œuvres qui font tant leur bonheur.

Qu’est ce que la piraterie ?

Répondons à cette question le plus simplement possible. C’est l’exploitation des œuvres d’un artiste à des fins pécuniaires sans que le principal créateur n’en tire le moindre profit.

musique
Disques vinyles, cds et cassettes. Crédit : Andre Moura / Pexels

Comment se manifeste la piraterie au Cameroun ?

Au cours des années 70 jusqu’aux années 80, l’artiste camerounais jouit des fruits de son art. Il peut par exemple percevoir aisément ses droits d’auteur qui lui sont régulièrement reversés par des sociétés agrées par l’Etat qui, à son tour, veille à ce que les règles du jeu soient respectés entre les particuliers qui reversent dans les caisses de ces sociétés, le prix de leur utilisation des œuvres artistiques et des artistes, qui ensuite les perçoivent.

Au début des années 90, avec l’avènement de la crise économique qui secoue cruellement le pays, on assiste à la rupture de cette chaîne éthique. Désormais dans la clandestinité vont se développer des structures de multiplication des k7 audio de l’époque. Les œuvres artisanales sont imitées pour en tirer le maximum de profit, bref la machine est désormais mise en branle pour appauvrir et paupériser au maximum les créateurs des œuvres au bénéfice de quelques individus tapis dans l’ombre. Plus tard, vers les années 2000,  l’avènement du numérique viendra achever les derniers espoirs en droits d’auteur avec le téléchargement en ligne massif via les plateformes sur internet. Désormais les CD et autres œuvres piratés sont exposés à même le sol et vendus au vu et au su de tous, sans aucune inquiétude et ceci à des prix ridicules. Par exemple, un artiste vend son oeuvre à 4500 francs CFA, le pirate vend la même oeuvre à 250 francs CFA. Vous voyez que cela ne laisse aucune chance à l’oeuvre originale.

Pour la petite histoire, en date précise du 17 juillet 2021 au lieu dit de Mvog Ada à Yaoundé, un groupe de jeunes a été extirpé d’une maison abandonnée des sous quartiers. Suite à un coup de fil émis par une personne qui a voulu garder l’anonymat, la police a fait une descente sur le terrain aux environs de 18h00 alors que ces jeunes étaient en plein dans la multiplication de CDs audio. Le butin de cette prise s’élevait à plusieurs cartons de CD contenant du support vierge, plusieurs supports déjà enregistrés, une imprimante pour confectionner les pochettes ainsi que d’autres petits matériels de conditionnement. Exposés aux populations menottes en main puis ensuite amenés dans les véhicules des forces de l’ordre, grande sera la surprise de tous de les retrouver le lendemain en liberté se baladant dans les rues de la ville. Cette impunité face au phénomène est la principale cause de la montée fulgurante de la piraterie dans nos villes.

Réaction des artistes et des pouvoirs publics

En réponse à cette déferlante, les artistes crient, hurlent, se plaignent et réclament que l’état intervienne pour les remettre dans leurs droits. La riposte de l’état se manifeste par la création des sociétés de droit d’auteur donc nous citerons la SOCADRA (ex Société Camerounaise du Droit d’Auteur), la SOCINADA (Société Civile Nationale du droit d’auteur), la SCDV (Société Camerounaise des Droits Voisins) pour ne citer que celles-là qui tomberont en faillite les unes après les autres du fait de la mauvaise gérance et des luttes internes entre les artistes eux-mêmes. En effet, ces sociétés ont été créées pour être dirigées par ces artistes qui vont se diviser en clans avec comme principal objectif celui de s’enrichir individuellement au détriment de la masse.

A qui la faute ?

Sûrement pas aux consommateurs qui sont soumis à un pouvoir d’achat précaire du fait d’une crise économique sauvage, sûrement non plus aux artistes qui sont les principales victimes de cette piraterie qui les appauvrit lamentablement  et les rend misérables jour après jour, mais à l’Etat qui a fuit devant ses responsabilités du fait d’une corruption aggravée ainsi qu’aux pirates tapis dans l’ombre qui ont profité de cette précarité pour se remplir malhonnêtement les poches.

En attendant, la piraterie a encore des beaux jours devant elle et continue de faire des ravages dans le milieu artistique au Cameroun face à l’impuissance des artistes résignés qui attendent et espèrent qu’un jour l’administration entendra leurs cris de coeur et se décidera à entreprendre de véritables actions répressives et punitives contre les auteurs d’actes de piraterie.

Par Ngpartner

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